Le gouvernement indien a annoncé jeudi 3 août imposer des restrictions sur les importations de produits informatiques, affichant sa volonté de développer la production d’ordinateurs ou de tablettes sur son sol. L’annonce vient en particulier pour s’affranchir de la Chine, qui fournit 75 % des équipements informatiques importés par l’Inde, alors que le pays dirigé par Narendra Modi tente de plus en plus de se poser en contrepoids face à son voisin et rival régional.
La semaine dernière, le gouvernement indien dégainé une loi qui a surpris tout le monde : la Direction générale du commerce extérieur a notifié que toute importation d’ordinateurs, de processeurs ou de tablettes serait désormais soumise à l’obtention préalable d’une licence. Jusqu’ici, les entreprises pouvaient se fournir à l’étranger librement, qu’il s’agisse des grandes marques de l’informatique ou des revendeurs.
L’idée est de favoriser la production en Inde. Depuis son élection en 2014, le Premier ministre Narendra Modi a fait du « made In India » son cheval de bataille. Mais cela peine encore à se concrétiser, notamment en ce qui concerne l’informatique : entre 2018 et 2022, la valeur des ordinateurs importés par l’Inde est passée de 2,4 milliards à 4,8 milliards d’euros par an. Elle a donc doublé en seulement quatre ans. Qui plus est, les trois quarts de ces importations viennent de Chine.
Contrer le grand rival chinois
Cette décision s’inscrit contre le grand rival régional. L’autonomie face à la Chine est un thème qui parle aux Indiens depuis les affrontements le long de la frontière entre les deux géants asiatiques dans l’Himalaya, notamment en 2020. Le pouvoir central a ainsi déjà décidé de bannir de nombreuses applications chinoises, y compris le populaire réseaux social TikTok, ou encore de geler les avoirs bancaires en Inde du géant chinois du smartphone Xiaomi.
Mais il n’est pas non plus dans l’intérêt du gouvernement de pénaliser le consommateur indien, friand de technologie, notamment à l’approche des élections générales de mai 2024. Si bien que, seulement 24 heures après l’annonce, le gouvernement a voulu rassurer et a précisé que les licences d’importation en matériel informatique ne seraient exigées qu’à partir de novembre.
L’objectif, au-delà de la compétition avec la Chine, est bien sûr de développer le secteur industriel Indien. Pour certains internautes, c’est d’ailleurs une réaction au lancement polémique d’un ordinateur portable par le géant des télécommunications indien Jio : avec un prix de moins de 200 euros, il est toutefois fabriqué en Chine.
Protéger le secteur industriel indien, qui est loin du compte
Le gouvernement compte s’appuyer sur un programme d’incitation à la fabrication informatique en Inde, doté de près de deux milliards d’euros. En 2020, cette stratégie s’est révélée payante pour assembler les télévisions ou les smartphones en Inde. Selon le gouvernement, 44 fabricants d’ordinateurs ont déjà choisi de s’enregistrer dans le pays. Certains industriels indiens voient déjà l’Inde en « plaque tournante mondiale de la production électronique ».
Il faut garder à l’esprit que l’on en est très loin. Selon le cabinet d’analyse technologique Canalys, l’Inde a assemblé 15 millions d’ordinateurs en 2022, contre 50 millions pour la Chine. Les composants sont par ailleurs encore largement importés en Inde. Un retard compétitif existe donc, mais l’Inde pourrait bénéficier du climat mondial de méfiance envers Pékin. La récente décision de la marque américaine Apple d’ouvrir une usine de smartphone en Inde et les annonces d’investissements de l’équipementier taiwanais Foxconn – leader des semi-conducteurs – n’y sont pas étrangères.
avec rfi